L’intelligence artificielle (IA) trace son chemin en production laitière. Les robots de traite sont entrés dans l’étable et l’analyse fine du lait par une technologie appelée spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier, ou spectroscopie IRTF, permet de connaître sa composition, notamment en eau, en gras, en lactose et en protéine. Tasnime Touil, étudiante au doctorat, va encore plus loin et développe des outils d’IA qui utilisent ces données pour prédire le pH ruminal et l’acidose ruminale subclinique chez la vache.
L’intérêt? «Le pH ruminal peut être un indicateur de la santé du rumen de la vache et de ses performances, a expliqué l’étudiante lors de sa présentation à la Semaine numériQC, le 29 mars au Terminal de croisières. Lorsqu’il est inférieur à 5,8 pendant 300 minutes et plus, il peut entraîner l’acidose ruminale subclinique, une maladie difficile à détecter.»
Les dommages peuvent être nombreux pour les animaux qui en sont atteints: déficience de la fertilité, diminution de la production du lait et de son taux de matière grasse, mobilité difficile, troubles de digestion, diminution d’appétit, de rumination et d’efficacité alimentaire et augmentation des risques de mortalité. «Cette incidence négative sur la santé des vaches est associée à des pertes monétaires pour l’industrie laitière», poursuit Tasnime Touil.
Il existe déjà sur le marché un bolus sans fil, sorte de capteur inséré dans le rumen de la vache pour mesurer en continu le pH ruminal. Si son utilisation est sans douleur pour l’animal, le bolus est coûteux et peu pratique quand le producteur possède un grand troupeau, expose l’étudiante. Elle voit donc de nombreux avantages à obtenir ces données à partir d’échantillons de lait, soumis à un spectre IRTF.
Dans le cadre de ses recherches, des bolus sans fil ont été utilisés pour surveiller en continu le pH ruminal de 107 vaches Holstein sélectionnées dans 12 fermes commerciales au Québec pendant 90 jours. En parallèle, 2040 échantillons de lait de vache individuelle ont été collectés puis analysés pour obtenir des spectres IRTF par Lactanet, une entreprise de contrôle laitier.
Les résultats montrent que le pH ruminal et l’acidose ruminale subclinique peuvent être détectés à partir d’un échantillon de lait, en combinant l’IA à la spectroscopie IRTF. «Nous sommes en train d’utiliser de grands jeux de données pour améliorer nos performances», a précisé Tasnime Touil en marge de sa conférence.
Ce projet de recherche, espère l’étudiante, pourrait permettre aux producteurs de savoir que telle lignée de femelles est en bonne santé, avec un pH normal et sans trace d’acidose ruminale subclinique, par exemple.
Tasnime Touil a étudié l’informatique en Tunisie et travaillé comme ingénieure informatique avant de venir faire son doctorat en IA à l’Université Laval. «Je me suis intéressée à l’intelligence artificielle comme spécialité. C’est très intéressant, c’est vraiment l’avenir. Et j’adore vraiment les sciences animales, tout ce qui touche la santé, la médecine, la biologie. Vous savez, les animaux et nous, nous sommes liés. On boit le lait de la vache.» Pour l’informaticienne, il était donc naturel de mettre ses connaissances en IA au service de la production laitière.
Dans ce projet de recherche, elle travaille avec Éric Paquet, professeur au Département des sciences animales et chercheur membre régulier du CRDM.
Cet article a été rédigé par ULaval Nouvelles.